Site sur l'accordéon diatonique de Erwan 'diato' Tanguy

Accordéon irlandais - peut-on parler d'un style de jeu ancien et d'un style de jeu moderne ?

I-INTRODUCTION

Depuis que je pratique la musique irlandaise, j'entends parler de  « styles de jeux ». Habituellement, dans les milieux traitant de musique traditionnelle, cette notion de « style de jeu » s’applique à la reconnaissance, plus ou moins justifiée, de l’existence de styles régionaux.

En outre, dans la seconde moitié du XXème siècle, dans les milieux liés à la musique irlandaise il est très souvent fait allusion aux notions d' « ancien » et de « moderne ». Ceci sous-entend qu'il existerait des différences perceptibles de styles de jeux, et que ces différences ne pourraient pas être mises en relation avec la notion de style régional, bien que l'abandon récent des styles régionaux puisse déjà être un critère de différenciation entre « ancien » et « moderne ».

Après étude du mémoire de Graeme Smith, intitulé  Modern-Style Irish Accordion Playing: History, Biography and Classet qui couvre une période allant de 1900 à 1975, il apparaît qu'il y aurait un style de jeu moderne: « les enregistrements de Paddy O'Brien en 1954 vont inspirer un nouveau style de jeu [… »].

D'autre part, Joe Burke, champion d'Irlande en 1959 et 1960, se qualifie lui-même de « practitioner of old irish music » (cf son site internet), ce qui sous-entend qu'il existe 'a new' ou 'a modern irish music'.

Ou encore Darren Breslin, champion d'Irlande en 2008, parle à la radio (archives de RTE Radio, 2005, émission 'the bloom of youth') de 'old irish music' et 'old style playing'.

Et enfin Jean-Paul Moreau, accordéoniste de Paris, « [...]découvre le style fluide moderne des virtuoses de la nouvelle génération : Murty Ryan, Derek Hickey, et Josephine Marsh ».

Après un rapide état des lieux des différents types d'accordéons présents en Irlande d'une part, après classification dans le temps des principaux accordéonistes irlandais d'autre part, nous allons essayer d'établir, uniquement par écoute d'extraits sonores, s'il est possible de mettre en relation un type d'accordéon avec un style de jeu (ancien ou moderne ), et donc de voir si cette simple analyse peut répondre à la problématique.

Les extraits étudiés couvrent une période qui va de 1904 (premiers enregistrements sur cylindres en musique irlandaise) jusqu'à nos jours.

II-DIFFERENTS TYPES D'ACCORDEONS :

L'objectif de cette partie sera de déterminer si un type d'accordéon correspond à un style de jeu. Nous allons tout d'abord faire un rapide état des lieux des accordéons dans le monde, et ensuite en Irlande.

2-1- Les différents types d'accordéons dans le monde:

L'accordéon a été créé par Cyril Démian, autrichien, qui a déposé le brevet en 1829. Il fait partie de la famille des aéorophones; c'est un instrument à anches libres, celles-ci entrant en vibration par la compression de l'air de la partie centrale de l'accordéon : 'le soufflet'. Son plus lointain ancêtre est sans doute le 'sheng', instrument chinois, à anches libres également, datant de 3000 ans avant notre ère.

L'instrument de Démian ne comprenait qu'un clavier unique (à la main droite) qui pouvait jouer une gamme diatonique. Il faudra attendre jusqu'en 1880 pour qu'un deuxième clavier soit rajouté : un bouton de ce clavier correspond à une basse ou à un accord tout fait, ayant pour fonction d'accompagner la mélodie.

L'accordéon 'diatonique':

Au sens strict du terme, un accordéon diatonique est un instrument destiné à ne jouer qu'une gamme diatonique. Le seul accordéon vraiment diatonique est le mélodéon, c'est la première évolution 'complète' (avec accompagnement) de l'accordéon de Démian et cet instrument est encore très présent de nos jours, principalement au Canada et en Louisiane (USA). Le clavier à la main droite comprend 10 boutons, qui permettent de jouer 2 ½ octaves : chaque bouton est bisonore, ce qui veut dire que le son n'est pas le même selon que l'on pousse ou tire le soufflet. Le clavier à la main gauche comprend une basse et un accord de tonique en poussant le soufflet, une basse et un accord de dominante en tirant le soufflet.

De nos jours on appelle 'accordéon diatonique' un accordéon bisonore. La plupart de ces accordéons ont deux rangées (main droite) qui correspondent à deux gammes espacées d'une quarte, et huit boutons (main gauche) qui permettent de jouer 6 basses et six accords.

Dans certains pays (Allemagne, Mexique, Vénézuela...) les accordéons ont trois rangées, soit trois gammes distantes d'une quarte. L'accompagnement comprend 8 ou 12 boutons.

Il existe d'autres formes 'd'accordéons diatoniques' qui sont en fait chromatiques mais toujours bisonores. Ces accordéons sont utilisés surtout en Europe. Il en existe deux formes: le 'système européen' et le 'système irlandais':

→ Le système européen comprend deux rangées pour deux gammes espacées d'une quarte, auxquelles on rajoute une troisième rangée (ou une demi rangée) d'altérations, faisant évoluer ainsi les possibilités mélodiques et harmoniques de l'instrument. L'accompagnement comporte 24 boutons sous sa forme la plus complète, permettant d'avoir les 12 basses et accords de la gamme tempérée occidentale en poussé et en tiré. Sur ces modèles on enlève les tierces des accords pour jouer indifféremment en majeur et en mineur.

→ L'accordéon irlandais comprend deux rangées correspondant à deux gammes espacées d'un demi ton. La forme la plus ancienne est le 'do#/ré' (une gamme de do# majeur, une gamme de ré majeur), la dernière évolution est le si/do. L'accompagnement comprend huit boutons, mais les irlandais l'utilise rarement. (Il existe également des modèles en ré/ré#, fa#/sol etc mais leur utilisation n'est pas courante.)

L'accordéon chromatique

On parle d'accordéon chromatique pour des accordéons chromatiques unisonores, à savoir un bouton produit le même son en poussant et tirant le soufflet. Ces accordéons ont en général de trois à cinq rangées à la main droite; l'intervalle entre deux boutons adjacents d'une même rangée est une tierce mineure et l'intervalle entre deux rangées est d'un demi-ton. L'accompagnement comprend en général cinq rangées de boutons : deux rangées de basses, trois rangées d'accords (accords mineurs, majeurs et septièmes de dominante).

L'accordéon de concert est la forme la plus 'évoluée' de l'accordéon : la main droite est identique à l'exemple précédent, la main gauche en revanche ne comporte plus d'accords tout faits, mais un clavier identique à la main droite, offrant ainsi d'aussi grandes possibilités qu'un piano. Sur la plupart des accordéons de concert il est possible de revenir à des accords tous faits à la main gauche avec un simple 'registre' : en appuyant sur un bouton le musicien actionne un jeu de mécanismes complexes qui occulte des anches à l'intérieur de l'accordéon. Ce type d'accordéon, demandant de très longues années d'études, n'est utilisé que dans la musique savante occidentale.

Il existe également des accordéons à touches piano : la main droite est un piano miniature, la main gauche comprend des accords tous faits.

L'accordéon mixte:

La configuration de la main droite de ce type d'accordéon est la même que sur l'accordéon diatonique à trois rangs (système européen), la main gauche est la même que sur l'accordéon chromatique.

Le musicien le plus célèbre à avoir utilisé ce type d'accordéon est Emile Vacher (1883-1969), créateur du genre musette. Il est très peu utilisé aujourd'hui.

Le concertina, cousin de l'accordéon :

Charles Wheatstone, anglais, dépose son brevet pour le concertina un mois après le brevet de Cyril Demian. C'est également un instrument à anches libres; il y a deux extrémités en bois de forme hexagonale ou de forme octogonale reliées par un soufflet. Un concertina ne possède pas d'accompagnement (les accords tous faits de la main gauche de l'accordéon). Les irlandais se plaisent à répéter que c'est sans doute le seul instrument de musique jamais invité par un anglais...

Il existe plusieurs types de concertinas, les plus utilisés sont le modèle anglais, le modèle anglo et également le bandonéon: le modèle anglais et le bandonéon sont unisonores et chromatiques ; le modèle anglo est bisonore, les altérations éventuellement présentes sur cet instrument sont utilisées pour des chromatismes passagers et non pour jouer dans toutes les tonalités.

La différence entre le concertina et l'accordéon est la disposition des touches par rapport au soufflet. Sur l'accordéon les touches sont perpendiculaires au soufflet, tandis que sur le concertina elles sont dans l'axe du soufflet:

  • Sur le concertina, une poussée plus forte sur une touche entraîne donc une note plus forte, puisque la poussée sur le soufflet est alors plus forte (une plus forte compression du soufflet, donc de l'air, produit un son plus fort).

  • Une poussée plus forte sur le bouton d'un accordéon n'entraîne en revanche aucune nuance; cet élément est d'ailleurs perturbant pour les pianistes qui s'essayent à l'accordéon à touches pianos!...

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